Si pour certains elle donne la pluie, écarte les tempêtes, protège les récoltes, elle n'est
pour moi qu'un coeur.
Pour moi sa vue c'est mon pays, ma maison, ma famille, des rêves d'adolescent sur ses
trois marches, devant sa grille fermée, des solitudes sous ses arbres où craquent les
aiguilles, où les pignes rongées et la terre remuée sont les seuls signes d'une vie dans
ces bois que le fusil a forcé à déserter et ou règne le silence en dehors d'un été tout en
grillons et cigales ou d'un hiver de vent en rafales.
Il finit par prendre un air, une odeur de mort sous les épais branchages sauvé du feu et
où le soleil souffre d'être peigné mais ou l'on peut encore entendre les arbres chanter
l'été quand on se lève tôt ou quand on se couche tard.
Si vous venez un jour, sachez que partout vous piétinerez mes souvenirs, que là près
de la source des personnes que j'ai aimées se sont assises, ont bu de son eau claire
comme vous la boirez.
Alors là je viens réouvrir mes blessures. Tu connais trop de secrets pour oser te cacher,
pour ne pas te dire que je nourris ma vie de songes, que je donne des formes et couleurs
à chaque souvenirs pour ne pas penser qu'elles ne reviendront jamais, jamais...