Moi à ND D'Aubune
Avec mes soeurs Anne Marie, Mireille et ma cousine Danièle
Avec Christophe mon neveu dans les bras
       Pendant ce séjour pour tuer le temps je me suis mis à la lecture ce que je ne faisais pas vraiment avant. A mon retour à la maison, la vie reprit et je me souviens d'avoir eu une période où j'avalais des romans. Je me rappelle notamment du "Lion" de  Joseph Kessel, du super "Désert des Tartares" de Dino Buzzati mais surtout de "La Porte étroite" d'André Gide dans lequel je me retrouvais. J'ai continué à lire dans mon lit lorsque, pris d'un terrible mal de tête je me suis retrouvé à l'hopital d'Avignon pour un début de méningite. Mauvais souvenirs, surtout des ponctions lombaires avec de longues aiguilles plantées dans le dos. Pas de séquelles fort heureusement mais plusieurs jours d'absence au lycée l'année de la terminale. C'était en 1968. Fort heureusement cette année là à cause des événements (grèves) les autorités ont décidé de donner le Bac à tous le monde. Me voilà donc diplomé. Je ne suis pas sûr que je l'aurais eu sans ça mais celà m'a quand même par la suite aidé.
 
   En dehors des études ces années là étaient plutôt sympatiques. J'allais sur mes 20 ans. Avec un élève qui avait déjà une voiture ( une vieille Traction) nous allions quelques fois à la mer. Nous suivions de très loin les évènements de 68 qui semblaient ne pas nous concerner. A voir les images à la télévision il me semblait que Paris était à feu et à sang. Nous parlions cinéma."Il était une fois dans l'Ouest" de Sergio Léone venait de sortir et avait fait un grand effet. C'était vraiment nouveau comme western avec cette musique magnifique. Nous écoutions des musiques nouvelles. C'était l'époque de Dutronc et son "Et Moi Et Moi Et Moi", de Polnaref avec la "poupée qui dit non"et surtout d'Antoine avec ses "élucubrations" que j'adorais. Avec mes cheveux longs on m'appelait Toinet. Ca faisait râler dans la famille surtout mon beau frère Roger qui ne supportait pas. Je prenais un malin plaisir à le provoquer.
 
   C'est avec lui que j'appris la maçonnerie. Il avait monté une petite affaire et j'ai passé deux années de grandes vacances à travailler avec lui sur les chantiers. J'aimais plutôt ça surtout les rénovations. Je me rappelle très bien lorsque nous avons retapé la chapelle Saint Christophe à Lafare, petit village au dessus de Beaumes. Elle était située au pied des Dentelles de Montmirail dans les collines au dessus de la source de La Salette, petite rivière qui traverse Beaumes de Venise. Nous nous y baignions car l'été était très chaud. Je me souviens également des discutions épiques de mon beau frère avec un artiste suisse qui lui reprochait de faire les murs trop droit dans sa vieille maison de village. Pour mon beau frère c'était impensable. Sa réputation était en jeu. C'est de là que m'est venu certainement l'envie de retaper de vieilles ruines. Ca viendra un peu plus tard lors de l'acquisition d'un cabanon de vignes à Malemort du Comtat, mon petit coin de Provence comme le disait Alphonse Daudet avec son moulin..
  
   Je n'avais toujours pas de voiture et me trouvais un peu coincé pour sortir les Week End. Fort heureusement un bon copain, Gérard Dumas, fils d'un marchand de chaussures de Pernes Les Fontaines, avait une vieille 2CV et venait le samedi soir et les dimanches après midi après le marché ( il aidait ses parents qui vendaient également des chaussures sur les marchés de Provence) me prendre pour aller soit dans les dancings ou boites de nuit le soir, soit dans les fêtes annuelles qu'organisaient chaques villages les après midi. C'est comme ça que j'ai connu quasiment tous les villages à 100Km à la ronde et plus. Nous donnions RV à deux copains à Vaison la Romaine et  partions tous les Quatre. Nous nous sommes beaucoup amusés. Nous faisions des concours à celui qui sortirait avec le plus de filles. J'ai souvent gagné.
   Par ailleurs mon ami Gérard s'était lancé dans le commerce de chaussures comme ses parents. Il s'intallait avec son camion (le fameux Tube Citroên) sur les marchés de la région. J'allais souvent le rejoindre pour l'aider à la vente. J'aimais assez ça.
      
   1968 fut l'année de mon incorporation. Je me suis retrouvé à la base aérienne d'Orange pour faire mes classes (trois mois de préparation avant l'affectation définitive). J'étais plutôt anti-militariste et n'ai pas beaucoup apprécié les marches au pas avec le caporal chef de carrière, les marches de nuit, les corvées diverses et surtout de m'être fait couper les cheveux à raz. L'adjudant chef ( il s'appelait Guirao) répartissait les fonctions. Par vice il avait nommé coiffeur le seul soldat qui était boucher, le coiffeur s'étant certainement retrouvé aux cuisines. C'était comme ça qu'il estimait nous en faire baver pour que nous devenions des hommes. Quelle mascarade. Un jour au stand de tir un soldat exaspéré par ses remontrances tourna sa mitaillette chargée vers lui. Il a été immédiatement réformé. Un soir nous étions censés défendre la base aériennne et ses Mirages IV d'une attaque extérieure. C'est la Légion Etrangère, également basée à l'époque à Orange, qui jouait le rôle d'assaillant. Nous n'y avons rien vu. Ils ont tout fait sauter et bien sûr nous avons été punis. Par ailleurs j'écoutais "Hey Jude" des beatles pour me réconforter.
  
   Trois mois plus tard je me trouvais à Bron près de Lyon affecté dans une unité de radars. Nous étions censés surveiller le ciel des avions ennemis. Moi je m'occupais de ceux venant du sud notamment des pays du Magreb. Quand un avion ne s'identifiait pas, nous envoyions la chasse pour les obliger à atterrir et se déclarer.  C'était attrayant, du moins nouveau pour moi. Mais ce qui m'a surtout intéressé c'est d'avoir pu faire du planeur et piloter des petits avions ce que je n'aurais jamais pu me payer dans le civil (c'était très cher ce qui ma empéché de renouveler l'expérience dans le civil avec regret). Par ailleurs les WE où je ne revenais pas à la maison ( je le faisais en stop ce qui me prenait pas mal de temps mais ça marchait) nous allions l'hiver draguer à la patinoire. Avec notre coupe militaire nous n'avions pas trop de succés. J'ai même fais des brocantes (déjà). J'achetais des cadres anciens pour y mettre mes peintures ( j'avais déjà commencé à peindre). La difficulté était de les ramener à la maison en stop. Ce fut tout de même fait. Fort heureusement 1968 fut l'année où le service militaire obligatoire a été ramené de 18 à 12 mois. J'ai donc quitté la caserne non sans avoir fait la fête avec des collègues qui m'ont entrainé dans plusieurs bars à boire de la bière. C'est la première et dernière fois où je me suis trouvé saoul ( j'en ai même oublié mon pardessus mais à la caserne ils ne s'en sont pas, fort heureusement, apercus). Je ne supporte plus la bière depuis, d'autant plus que nous n'avions que ça à boire à la cantine. J'ai ensuite regagné (fin 1969) mon domicile et entrepris de trouver du travail.
 
   Ce n'a pas été très facile car je n'avais aucun repère ni aucune aide sur ce qui était nouveau pour moi. Pas de travailler, je n'avais fait que ça, mais de trouver un métier. Je me suis tout d'abord orienté vers  la fabrication mécanique à laquelle m'avait préparé mon bac. J'ai donc, à travers des annonces ( où l'on prenait en charge bien sûr les frais de déplacement), postulé chez Renault et Looked. Le problème est que ça se trouvait à Paris et à Beauvais. Après un long voyage en train (il fallait à l'époque au moins 6 heures pour atteindre Paris), je me souviens ( pour les deux) d'étre arrivé au petit matin, dans la grisaille, d'avoir fait la queue à l'entrée de l'usine avec des centaines d'ouvriers en salopettes bleues, d'avoir déjeuner avec les mêmes personnes dans un réfectoire immense et froid. J'ai tout de suite su que je ne donnerais jamais suite. J'ai bâclé les tests et m'en suis revenu très vite.
 
  J'ai passé quelques semaines à travailler au domaine à bêcher et tailler les vignes. Entre temps je répondais à des annonces locales sans succés jusqu'au jour où je fus convoqué à une scéance de tests pour intégrer éventuellement une banque, le Crédit Lyonnais. A l'époque c'était un secteur très porteur qui était en plein développement. Ils recrutaient deux personnes. Nous étions une quinzaine de postulants. A mon grand  étonnement je fus classé premier.  Quelques jours après j'ai vu débarquer un monsieur en cravate à notre domicile qui venait me chercher pour travailler ( Ils avaient oubliés de me confirmer mon embauche et la date à laquelle je devais me présenter ). C'est mon père qui le reçu. Il était si heureux qu'il n'a pu éviter d'avoir les larmes aux yeux ce qui n'était pas dans ses habitudes. Mon problème c'est que je n'avais rien prévu. Pas de cravate, pas de veste, ni costume. J'ai enfilé ce que j'avais et me suis retrouvé à l'agence de Carpentras sur la place du théatre. N'ayant pas de voiture, j'ai fais le voyage en Solex pendant plusieurs mois quel que soit le temps. Ce n'était pas évident en costume.
Soeurs, cousins et neveu devant ND D'Aubune
ND D'Aubune à Beaumes de Venise
Moi en train de sculpter