Il ne me reste plus maintenant qu'a vous conter mon épopée comme batisseur-rénovateur qui s'est étalée sans discontinuer sur plus de 40 ans. Construire sa maison était pour moi un idéal.(Mes racines italiennes certainement à nouveau).
Cela me pris en 1978 quand j'étais alors domicilié à Avignon, après ma mutation au Crédit Lyonnais de cette ville. Ne voulant pas m'enquiquiner avec les problèmes de location, j'ai revendu mon appartement de Carpentras ( ce qui ne fus pas financièrement parlant la meilleure idée) et fis l'acquisition, après de longues recherches, d'un cabanon de vignes ( celui qui permettait aux paysans de s'abriter, ainsi que leurs animaux et leurs outils, lorsqu'ils étaient loin du village. Il servait aussi de lieu de réunion pour la famille le dimanche comme dans la chanson "un cabanon pas plus grand qu'un mouchoir de poche"). Il se dressait dans les collines au pied du Ventoux à Malemort du Comtat pas très loin de Carpentras. Il s'agissait bien sûr de m'occuper et de pouvoir avec la famille prendre l'air de la campagne le WE, mais aussi et surtout d'acquérir un petit bout de Provence (comme Daudet avec son moulin) dans la perspective de partir un jour pour Paris. Il me fallait une bonne raison pour revenir régulièrement en Provence. Nous avons donc fait le trajet Avignon-Carpentras tous les WE pendant environ 3 ans (nous sommes partis pour Paris fin 1981 avec l'arrivée de Mitterand).
Je ne reviendrais pas sur la nature et l'évolution des travaux entrepris repris dans le détail sur mon site .
Nous y avons passé la plupart du temps nos vacances d'été. Dabord un peu sommairement car nous n'avions pas l'électricité, puis plus agréablement ensuite avec progressivement tous le confort (eau, gaz, électricité, téléphone à tous les étages). J'y retourne toujours régulièrement pour prendre le soleil, sentir les odeurs de la garrigue (plantes aromatiques), écouter les cigales et y revoir quelques amis.
En 1993, année du décés de mon père et de ma rencontre avec Francine aujourd'hui mon épouse et après plus de 10 ans à Paris, j'eus envie de recommencer l'expérience ayant toujours ce besoin de m'occuper, de bâtir et surtout dans ce cas de sortir du carcan de Paris. Lors d'un voyage dans le Berry pour voir des amis de Francine, j'ai repéré puis fais l'acquisition d'une longère bérichonne du XVème siècle à colombages, en très mauvais état que j'entrepris de retaper.
Depuis, presque tous les WE étaient occupés au bricolage. Nous partions le vendredi soir après le boulot direction Jars dans le Cher, petit village près de Sancerre connue pour son vin blanc. Comme pour mon cabanon en Provence j'ai repris toute l'évolution du chantier sur mon site.
Suivant un de mes grands principes, ne pas faire faire par les autres ce que je peux faire moi même, j'ai presque tout effectué moi même. Parallèlement j'ai écumé à la belle saison toutes les brocantes du coin pour meubler et acquérir tous les outils et ustensiles nécessaires pour reconstituer une ferme telle qu'elle devait être avant la première guerre. But quasiment atteint.
Depuis ma retraite je passe beaucoup de temps à améliorer et embellir ces deux maisons de campagne et leurs jardins en espérant que plus tard les enfants prendront le relais. Elles me servent également d'atelier de sculpture et peintures.
Remonter le temps sur plus de 70 ans n'est pas chose facile. La mémoire est imprécise et souvent sélective. J'ai donc fermé les yeux et me suis laissé entrainé dans la rêverie, le monde des souvenirs qui soudain s'animent. Il faut bien sûr éviter l'écueil du "c'était mieux avant". Pourtant malgré le manque de confort, le manque de vacances, les difficultés rencontrées je pense pouvoir dire que c'était mieux avant.
Bien sûr avec ma famille nous avons subi les affres du racisme en nous faisant traiter de "macaroni" et de "babi", mais par rapport à aujourd'hui tout ça parait gentil. Cela m'a par contre donné le goût de me battre et celui de la revanche Nous avions alors la chance appréciable de toujours trouver du travail lequel avec de la volonté et un peu d'ambition permet d'assurer son développement personnel, ce que j'ai j'espère réussi.
C'était aussi le temps où la question religieuse ne surgissait jamais et ne nous empoisonnait pas la vie. Mais c'est vrai j'étais jeune et avait toute la vie devant moi et cela n'a pas de prix. Je pense aussi que j'ai eu beaucoup de chance, mes parents et la famille ayant toujours été là pour me soutenir. Mes activités artistiques m'ont toujours aidé dans les moments difficiles comme un exutoire.
Pas de regrets donc sinon celui de ne pas avoir appris l'italien ( mon père pour faciliter l'intégration ayant toujours refusé de parler l'italien à la maison) et l'impression que j'aurais pu comme toujours faire beaucoup mieux.
Une grande satisfaction toutefois celle de voir mon fils réussir brillamment sa carrière et sa vie tout en me donnant avec sa superbe épouse 3 petites filles adorables. On dit qu'il faut 6 générations à un fils d'imigré pour qu'il réussisse. Nous l'avons fait en 2 générations ce qui n'est pas si mal.
Aprés avoir été ravivés, il faudrait maintenant que tous ces souvenirs continuent à vivre et surtout que tout le travail effectué ne se perde pas définitivement.
Paris novembre 2021