Et si les peintres et sculpteurs d'avant la fin du XIX ème siècle, n'avaient été que de plus ou moins bons artisans? photographes, décorateurs, conteurs de l'époque?
Ne travaillaient-il pas pour la plupart sur commande, pour la postérité de tel Roi ou de telle grande famille, pour la magnificence de telle ou telle religion? Ne travaillaient-ils pas en ateliers en commun entre maître et élèves.
Cela n'enlève rien, bien sûr à leurs grandes qualités, avant tout manuelles.
Cela n'est pas contradictoire non plus avec le fait que certains aient pu aller bien au delà de la simple représentation formelle de leur sujet. Mais après tout, nos photographes d'aujourd'hui, nos décorateurs, nos designers ne sont pas en manque d'imagination. Doivent- ils pour autant être considérés comme des artistes dans le vrai sens du terme?
Tout cela permettrait peut être d'expliquer l'avènement de l'ART MODERNE et notamment l'ART ABSTRAIT et l'incroyable incompréhension dont il fait l'objet malgré maintenant près d'un siècle d'existence.
Enfin qu'est ce que l'art sinon transcender la nature et ses lois. En ce sens et d'un point de vu purement esthétique, pour moi, seuls des artistes comme MALEVICH, MONDRIAN, ALBERS et tous ceux qui ont suivi leurs enseignements, par l'utilisation des trois seules formes que la nature n'a jamais produite par elle même et qui sont pure conception de l'intelligence de l'Homme; le CERCLE, le TRIANGLE et le CARRE, sont arrivés à ce summum. Tout le reste n'est qu'assemblages différents de formes et de couleurs puisées dans le vaste magasin naturel des formes qui nous sont données. Celà n'empêche pas, bien entendu, qu'il y ait des assembleurs géniaux. Seuls toutefois me semblent importants ceux qui y ont ajouté un élément indispensable dans la création:l'IDEE.
Et il en est de géniales: le VIDE et le MONOCHROME de KLEIN, les ACCUMULATIONS d'ARMAN, les COMPRESSIONS de CESAR. J'aurai tant aimé être le premier à fendre la toile à la manière de FONTANA, le premier à DECOLLER les affiches, le premier à COMPTABILISER le temps comme OPALKA etc...
Pour ma part, j'ai choisi le RECYCLAGE, ce qui n'est pas une nouveauté en art j'en conviens, assimilé qu'il est au COLLAGE, mais j'ai essayé de le rattacher en partie aux autres mouvements en les synthétisant. C'est ainsi que j'ai progressivement abandonné le collage d'objets divers tirés de la nature pour m'en tenir depuis maintenant plus de 10 ans au recyclage d'objets en plastiques (qu'y-a-t-il en effet de plus éloigné de la nature que ce matériaux qui est pure création de l'Homme) et de formes géométriques (les seules que la nature ne sache pas produire du moins visible à l'oeil nu). J'ai voulu en cela rejoindre les maîtres du CONSTRUCTIVISME en y ajoutant toutefois la profondeur, le relief. Les jeux d'ombres et de lumières et les perspectives infinies suivant d'où l'on regarde le tableau, à la manière par exemple d'Agam, peut le rapprocher de l'OPTIC-ART. L'utilisation plus récente d'une couleur unique rejoint les préoccupations du MONOCHROME à la manière d'Ad Rheinard plutôt que de Klein, avec là encore la profondeur en plus. Enfin l'utilisation répétée d'un même objet peut faire penser aux ACCUMULATIONS mais de façon plus esthétique que conceptuelle.
Ma préoccupation est d'intégrer l'IDEE sans délaisser pour autant le tableau avec ses règles, la recherche de la TRIDIMENSIONNALITE sans qu'il devienne purement décoratif. Peut être même deviendra-t-il avec le temps objet d'études sociologiques sur la consommation à la manière des PIEGES de Spoerri.
Puis le RECYCLAGE n'est-il pas le grand problème de notre temps. Problème économique avant tout mais surtout problème lié au cycle de la vie, de la naissance à la mort auquel nul, et encore plus les artistes, ne peut se désintéresser.
Paris le 20 juillet 1998