Allant à contre courant même de l'évolution actuelle de l'art.
J.P.B: je ne sais pas, je ne crois pas. Je m'intéresse assez peu à ce qui se fait. Je suis bien trop individualiste et aime beaucoup trop ma liberté pour m'associer à toutes sortes de courants ou institutions. Je vais voir surtout les expositions des très grands maîtres plus pour me laisser bercer par l'atmosphère dégagée que pour m'inspirer et s'il m'arrive quand même d'assister à des accrochages de peintres contemporains, c'est surtout pour m'assurer que personne ne m'a encore pris mes idées. Ce qui me plait en fait, c'est peindre ou sculpter plutôt que de voir ce que font les autres.
Pour revenir à ce que je fais depuis 1988 et que j'appelle STRUCTURES, il est vrai que l'on est plus proche de la recherche d'absolu (l'idéal) du Néoplasticisme, de l'Abstaction Géométrique du début du siècle ou encore de la monumentalité du Constructivisme, mais la technique du collage me permet d'y apporter un plus qu'ils n'avaient pas toujours, la rapidité d'exécution de l'Expressionnisme ce qui sauvegarde la spontanéité du geste et le volume. Le conscient est dans le choix des objets, de leurs couleurs, de leurs formes, de leurs valeurs. L'inconscient agit quant à lui au niveau de leur disposition. Puis il y a la troisième dimension, qui me parait ici encore plus essentielle par les jeux d'ombres qu'elle apporte, accentuant le relief, révélant les formes, les rendant changeantes suivant le regard ou la lumière. Il y a aussi les matériaux utilisés aux formes et aux couleurs pures, transparentes.
Quels est votre but?
J.P.B: Je cherche avant tout à établir un language de l'espace. Mon procédé est complètement opposé à toute logique mathématique rationnelle. La seule logique que l'on peut y trouver est la mienne. Mon travail est avant tout intuitif. Il me parait impossible d'imposer un idéal même si quelque part je cherche tout de même à l'atteindre. Alors suis-je dans le sens de l'histoire? Peu m'importe et même dirais-je tant mieux. Moi je n'ai pas du tout envie de détruire la peinture (c'est plus difficile pour la sculpture) comme le font certains artistes depuis Duchamp. Ce que je regrette c'est le battage que l'on fait autour d'eux et la récupération qui en est faite par ceux-là mêmes qui se disent représenter l'Art.
Celui ci dois je crois rester ce relais matériel vers l'imagination, la spiritualité, le rêve. Il doit aider chacun d'entre nous à passer de l'un à l'autre et le tableau ou la sculpture doit rester un objet que l'on aime aussi regarder, posséder, parce qu'il a des couleurs et des formes dans un certain ordre assemblés sans être obligé pour cela qu'il soit vu seulement dans une galerie ou un musée comme c'est le cas par exemple des Installations en tous genres.
Je préfère créer l'illusion plutôt que de m'abandonner au septicisme le plus absolu, de sombrer dans le néant, sachant que la signification d'une oeuvre n'est souvent que celle que nous y mettons nous mêmes. La relation affective qui s'instaure entre elle et le "regardeur" est essentielle. On ne perçoit toutefois que ce que l'on connait ou que l'on imagine ce qui en limite l'approche. De même je me refuse à toute critique politique, trop facile, ainsi que je récuse toute appartenance au mouvement écologiste bien que j'en sois par certains cotés très proche. L'Art je pense, est bien au dessus de la politique et de toutes les réalités sociales même s'il peut dans certains cas en subir les conséquenses. Ce de quoi il se rapproche le plus pour moi, c'est de la religion par son coté idéaliste. Il remplace certainement en partie celle en laquelle je ne crois plus.
Et après?
J.P.B:Seul l'avenir donne un sens à mon besoin de créer et seule l'imagination maintient la force créatrice. Je vais donc m'efforcer de ne pas perdre la mienne. Je pense n'avoir pas encore fait le tour de toutes les possibilités que m'offre ma technique actuelle. Je vais donc poursuivre mes recherches pas obligatoirement dans l'art pictural. L'histoire de la modernité est loin d'être achevée. Elle attend les nouveaux exemples que chacun est libre désormais de lui apporter. Je suis bien conscient toutefois d'avoir atteint une nouvelle fois une limite avec notamment mes INTERCALATIONS ou mes GRANDES STRUCTURES BLANCHES et qu'il me parait bien difficile à ce jour d'aller au delà.
Paris le 7 septembre 1991
PS: depuis novembre 1993 ma créativité s'exerce principalement dans la rénovation d'un Cabanon en Provence et d'une Longère solognote du XVème siècle qui étaient complétement à l'abandon et qui sont devenue mes ateliers de Provence et du Centre. Nouvelle forme d'art? Architecture, installation, décoration .... Il est sûr que c'est de la création, que j'y prends autant de plaisir et que je reviendrai bientôt à la peinture et la sculpture. FULL ART?