Les évangélisateurs de la Gaule, tels le grand Saint Martin, christianisèrent l'endroit en changeant le vocable, mais restèrent impuissants à faire disparaître l'usage et les coutumes paÏennes qui y étaient attachées.
On a en tout cas la preuve certaine que la chapelle de Lorette existait déjà au XVIIIe siècle. Dans le registre des actes de Mgr de la Rochefoucauld, conservé à l'archevêché de Bourges, on lit qu'au cours de ses tournées pastorales, le prélat en fit une visite détaillée le 8 mai 1738, sous la conduite du prieur de Jars, Messire Lesfilles-Deyarennes.
" Nous avons procédé, est-il écrit, à la visite de ladite chapelle rurale que nous avons trouvée en assez bon état de réparation, passablement fournie de vaisseaux sacrés, linge et ornements nécessaires à la célébration du Saint Sacrifice de la messe; avons seulement remarqué que la figure en relief de Notre Dame de Lorette, exposée sur ledit autel, est considérablement mutilée, ce que nous avons appris provenir de cette quantité de gens grossiers, ignorant leur religions, par une superstition monstrueuse, râpaient la pierre de cette figure qu'ils faisaient infuser dans du vin et le prenaient pour être guéris de la fièvre et autres maladies... Pour à quoi remédier autant qu'il est en nous, ordonnons que la figure sera incessamment ôtée et enterrée et qu'en son lieu et place il y sera mis un petit tableau propre de Notre Dame de Lorette, ce qui sera exécuté avant le 1er septembre prochain, faute de quoi, ledit jour passé, nous interdirons à tous les prêtres séculiers et réguliers d'y célébrer. Ordonnons de plus que les vitres seront racommodées et nous estant informés s'il y avait quelque titre de bénéfice ou fondation, il nous a été répondu qu'il n'y en avait aucun, mais que les peuples y avaient grande dévotion et que plusieurs paroisses y venaient en procession".
C'est par des chemins creux et des sentiers escarpés que ces processions de foules paysannes devaient atteindre la modeste chapelle en sa solitude boisée. Il leur fallait plusieurs heures de marche. Parvenues à leur but, elles attendaient, après de courts instants de repos, le déroulement d'exercices de piété. On bénissait les enfants sur lesquels un prêtre lisait des passages de l'Evangile; des pélerins égrenaient leur chapelet tandis que d'autres faisaient brûler des cierges auprès de l'image vénérée de la Madone. Mais l'Eglise ne parvint jamais à faire cesser les pratiques superstitieuses qui se mêlaient aux actes pieux. Boire de l'eau de la fontaine, y tremper layettes, brassières et vêtements de leurs malades, c'était là, pour beaucoup, l'essentiel du pélerinage.
L'ancienne chapelle fut détruite pendant la Révolution. Installés dans les bois de Boucard depuis près d'un siècle, des verriers immigrés du centre de l'Europe, furent réduits au chômage et la misère s'empara d'eux. Ils se livrèrent alors à de déplorables excés, saccagèrent la chapelle et y mirent le feu après avoir abattu le petit clocher qui la surmontait et brisé la cloche.
A la restauration du culte, on voulut rétablir l'édifice, mais le projet ne put aboutir. Cependant, afin que demeure le souvenir de cet antique oratoire, on fit dresser sur son emplacement une grande croix en bois.
Par la suite, dans les dernières décennies du XIXe siècle, cette croix fut remplacée par une autre aussi grande mais en belle pierre. Ce calvaire, lui aussi, s'est effondré et aujourd'hui ses débris gisent au sol. Il semble difficile de le relever dans ce site sauvage, difficile d'accés et éloigné et tout centre habité.(1)
Le temps poursuit son oeuvre de destruction. Personne ne se souvient plus maintenant de ce culte à Notre Dame de Lorette si en faveur jadis. Pourtant, il était bien implanté en ces lieux, voilà plusieurs siècles et se perpétua longtemps. Ainsi passe la gloire du monde.
Le Journal de Gien 18 Février 1989
(1) Ces dernières années, une nouvelle croix de pierre à été installée qui a fait malheureusement l'objet de vandalisme)