Sinon hormis l'école, la vie normale à la campagne. Déjà je plantais des arbustes en carré en espérant pouvoir en faire une cabane lorsqu'ils seraient adultes. Le viticulteur me disait d'uriner au pied pour que ça pousse plus vite. Le soir après l'école à la saison des vers à soie j'étais chargé d'aller ramasser les branches de murier dont ils raffolent. Ensuite quand les cocons étaient formés j'aidais ma mère à les récolter pour les vendre. Celà lui faisait un petit revenu. Avant les vendanges j'étais réquisitionné pour nettoyer l'intérieur des grands fûts. Ma petite taille et mon agilité vu mon age me permettaient seul d'entrer dans les tonneaux. Je me souviens que la tête me tournait un peu. On s'imagine ça aujourd'hui. Je me rappelle également d'un été où j'avais ramassé un plein seau de cigales et où nous nous amusions à les faire s'envoler avec un épis de blé dans le postérieur. Jeux d'enfants. C'était pas très malin je l'avoue.
Une chose m'avait beaucoup marqué: les feux de forêts sur les collines environnantes assez fréquents que nous allions voir en famille les soirs d'été. C'était un spectacle facinant pour nous bien que triste.
Un autre évènenement m'a marqué profondement bien que je n'en saisissais pas bien l'importance: la guerre d'Algérie. Deux de mes oncles avaient été mobilisés et ma mère était "pendu" à sa radio pour en suivre les évènements.Tout s'est fort heureusement bien terminé pour eux. Je n'ai aucun souvenir de la naissance de ma soeur Anne Marie. Par contre je me souviens très bien avoir assis ma soeur Françoise qui m'embêtait sur le poêle à bois. Ce fut un Drame.
Je ne sais pas bien pourquoi nous sommes à nouveau partis. C'était pour les Bouches du Rhône à Cabannes précisemment. La région est connue pour ses fruits: pêches, poires, pommes et prunes notamment. Je pense que mon père en bon piémontais ( c'est courant chez eux) n'avait pas peur de se déplacer pour trouver un meilleur travail, une meilleure rémunération et surtout une meilleure vie.
Nous nous sommes donc retrouvés au Mas de L'air, propriété d'un notable aixois qu'exploitait la famille Pitras. Petite maison de briques à peine confortable. Il n'y avait toujours pas de salle de bain ni de WC à l'intérieur, seulement "une petite cabanne au fond du jardin"comme dans la chanson. Nous nous lavions dans un petit bassin qui se trouvait dans une dépendance, à l'eau froide le plus souvent. Elle était tirée directement d'une source proche avec une pompe à main puis, plus tard, électrique. Le samedi nous allions quelques fois au village pour utiliser les bains publics.
J'allais à l'école au village dans un établissement privé catholique. Le maître s'appelait monsieur Chaniac. Il était très sévère mais très humain. Je lui dois beaucoup. Il fait partie de ces gens qui ont forgé mon caractère.
Outre le français, l'histoire, la géographie, les mathématiques il nous enseignait la morale. Toujours la petite citation tous les matins affichée au tableau. Il nous apprenait également, le savoir vivre et de petites choses comme ne jamais quitter une pièce sans fermer la lumière ou de faire en sorte que le feux du gaz ne dépasse pas la dimension de la casserole et plein d'autres sujets pratiques. Il s'agissait en fait de ne jamais gaspiller. C'est resté une règle pour moi. Il n'hésitait pas en certaines occasions d'utiliser sa règle en nous tapant sur les doigts pour nous corriger et même quelques fois de nous mettre au coin avec un bonnet d'âne. Ca ne m'est jamais arrivé.
Il nous faisait également chanter notamment des chants patriotiques (c'était au programme du certificat d'étude). Chaque fin d'année il organisait un petit spectacle. On y jouait des pièces de théatre et chantait des chansons populaires. J'étais souvent choisi pour chanter en solo ce qui était une grande fierté. Comme j'étais enfant de coeur, le curé venait me chercher pour les mariages et les enterrements, ce qui outre le fait de sécher les cours me permettait de gagner un peu d'argent donné par les familles et de récupérer des bonbons notamment des dragées pour les mariages. J'en ai mangé des kilos. Je me souviens des vendredis saints où on déambulaient avec d'autres enfants dans les rues du village avec des crécelles pour annoncer les offices. Il s'agissait de remplacer les cloches parties pour Rome. Les chiens nous poursuivaient. Le surlendemain c'était Pâques et le lundi nous partions pique-niquer. Il faisait toujours très beau. En fin d'année scolaire la tradition était de partir tous les élèves à vélo avec le maître. Nous allions souvent à la chartreuse de Bompas (XII éme) près de la Durance en direction d'Avignon. Il y avait à peu près 8 kms à faire. En fin d'année il y avait le Loto traditionnel où on pouvait gagner de multiples lots et en début d'été la non moins traditionnelle kermesse. Tout les élèves participaient à son installation. Le samedi soir il y avait un petit concert. J'y ai vu les Compagnons de la Chanson.
L'hiver à tour de rôle nous devions venir très tôt avant l'ouverture de la classe pour alimenter et mettre en route un vieux poêle à sciure (une scierie se trouvait tout près qui nous fournissait gratuitement la matière première). A l'automne nous ramassions les feuilles et branches tombées. Nous nous amusions à faire exloser les marrons dans le feu. C'était comme des coups de fusil.
J'avais reconstitué un vélo à partir de divers éléments d'autres vélos. Il me permettait de me déplacer pour aller à l'école bien sûr mais aussi pour aller chercher tous les soir un bidon de lait à une ferme qui se trouvait à 3 ou 4 kilomètres près du village. Mais il me servait aussi les jeudis pour partir faire la tournée dans la campagne avec le facteur qui m'avait pris en sympathie. Je connaissais donc tous les environs mais aussi tous les voisins. Un jour où j'allais un peu vite, je suis passé par dessus le guidon car je n'avais pas mis de roue libre. J'ai été quitte pour une belle bosse et quelques égratignures.
Tout cela reste ancré dans ma mémoire et me laisse une impression de délicieuse nostalgie quand j'y repense.
En 1960, j'avais 12 ans. J'ai fais ma première communion..
J'étais plutôt bon élève ce qui m'a permis d'avoir le certificat d'étude sans problème à mes 14 ans, ce qui était l'âge requis, mais je pense que j'aurais pu l'avoir avant car j'ai fait deux fois la dernière année du primaire. L'avantage à cette époque c'est que nous étions tous ensembles dans la même classe ce qui permettait d'apprendre en écoutant les plus grands. C'est comme ça, je me souviens, que j'avais appris tout de suite les divisions et les fractions ce qui semblait pour d'autres assez difficile. J'étais devenu aussi un spécialiste des problèmes de trains qui se croisent ou des robinets qui coulent.
Je me rappelle également des récréations avec ses matchs de foot passionnés avec la balle en mousse ( nous avions cassé un carreau avec le ballon de cuir) et des parties interminables de billes et d'osselets.
A midi nous partions en rang manger à l'école des filles à environ cinq cents mètres. Nous y mangions ce que les agriculteurs donnaient aux soeurs qui tennaient la cantine. Ce qui fait que nous mangions souvent la même chose ( produits de saison) pendant des jours. J'ai un très mauvais souvenir de la soupe de courge. C'est là que j'eus un accident. En jouant toujours au foot je suis tombé sur mes dents et ai cassé mes deux incisives. Cà a été très douloureux et le début de scéances interminables chez le dentiste que depuis je supporte difficilement.