Je débutais donc comme guichetier à la succursale de Carpentras du Crédit lyonnais. Celà consistait à servir les clients au guichet: remises de chèques, versements d'argent liquide, ouvertures de comptes renseignements divers etc... Ce contact avec les clients, nouveau pour moi qui était plutot solitaire, n'était pas déplaisant. A l'époque l'informatique n'exitait pas encore et tout s'opérait à la main. La tenu des comptes se faisait sur des machines mécanographiques et il n'y avait qu'un téléphone que le chef de caisse surveillait pour que nous ne l'utilisions pas pour des raisons personnelles. De temps en temps j'aidais à la caisse où à la compensation ( ça consistait tous les jours à 11heures à aller à la Banque de France s'échanger entre banques de la place, les chèques et les lettres de change que celle ci créditait sur les comptes respectifs des Banques). J'étais souvent chargé d'aller chercher de l'argent liquide à la Banque de France. Pour la sécurité on m'attachait une sorte de laisse au poignet avec la valise dans laquelle un dispositif permettait de tacher d'encre tous les billets en cas de tentative de vol (Il suffisait donc aux voleurs de me couper la main pour récupérer la valise). Cela fort heureusement n'arriva pas mais les responsables conscients de l'absurdité de la chose, la méthode fut vite abandonnée).
    Malgré le bac ( le niveau requis était le niveau bac) je fus embauché à l'échelon le plus bas (classe 1 qui n'existe plus depuis longtemps). Le salaire n'était pas mirobolant mais je m'en contentais. Il y avais toutefois la possibilité de suivre des cours par correspondance gratuits qui permettaient de progresser régulièrement et systématiquement sans attendre le bon vouloir de la hiérarchie, pas toujours facile et jalouse. C'est ainsi que dispensé du CAP je m'attaquais au Brevet Professionnel. Cela me permis de passer de la classe 1 à la classe 2 puis 3 en trois années avec à chaque fois de nouvelles responsabilités et un meilleur salaire.
    Très motivé, j'entrepris ensuite de passer, toujours par correspondance, un examen supérieur de banque auprès des Arts et Métiers de Paris (à l'institut technique de banque) que j'ai réussi en trois ans. Cela me permettait de faire quelques voyages à Paris pour les examens. Cela m'a permis aussi et surtout de  faire un nouveau bon. Je devenais chef de guichet puis chef des titres (La bourse) non sans mal, les collègues jaloux n'acceptant pas de se voir commandés par un ancien de leur rang. Toutefois ce que je souhaitais faire c'est du commercial c'est à dire  gérer en direct des comptes clients. Je m'aperçus en effet que c'était la seule voie qui permettait d'évoluer assez rapidement. Il fallait toutefois accepter d'étre mobile c'est à dire de se déplacer.
    C'est comme ça que je me suis retrouvé avec la famille (nous avions déménagé dans une maison avec jardin à Avignon quartier Saint Ruf) à la succursale principale d'Avignon rue de la République, à gérer un portefeuille éclectique composé uniquement de comptes dormants qu'il fallait relancer. Ce n'était pas un cadeau. Il s'agissait de faire ses preuves. Parallèlement j'entrepris donc de lancer une action de démarchage des clients mais aussi et surtout de non clients principalement commercants et professions libérales. Cela m'a permis de rencontrer une bonne partie des  artisans, commerçants, médecins, dentistes d'Avignon. J'eus environ 15% de réussite. Cela épata la direction (peu d'exploitants se risquaient à la démarche par facilité et de peur d'essuyer des échecs) surtout quand j'eus le culot de prendre RV avec le fils de monsieur Chaix, le fils du vrai banquier avignonnais du même nom. Je me vis proposé donc, après 2 ans environ, d'aller à Paris passer un autre examen supérieur de banque. Celui ci me permettait d'accéder en 2 ans et automatiquement au statut de cadre avec un niveau reconnu de Bac +5 (au Centre d'Etudes Supérieures de Banque auprès de Sciences Po). En attendant je décrochais ma classe 4.
   Je me suis donc retrouvé avec la famille ( je m'étais entre temps marié et avais un enfant Guillaume) à Paris dans le XVème arrondissement dans un grand logement de fonction. J'eus, non sans mal mais avec beaucoup de travail, la joie de réussir mon examen et de me retrouver responsable Entreprises, filière très prisée dans le banque. J'ai alors progressivement gravis les échelons et après avoir fait une petite incursion dans le domaine des Particuliers en devenant Directeur d'agence (surtout pour montrer aux différents sous chefs, chefs et directeurs qui m'en avaient fait baver et m'avaient sous estimés, que je les avais surclassés) je suis devenu directeur de Centre d'Affaires, directeur des crédits puis négociateur d'affaires en difficultés passant ainsi règulièrement de la classe 5 à la classe 8, dernier échelon avant de passer hors classe (cadre sup). Je n'entrerais pas dans le détail des difficultés que j'eus notamment avec les DES qui se croyaient supérieurs et bénéficiaient de priorités pas toujours méritées. Ma fierté c'est de n'avoir jamais rien demandé et de n'avoir obtenu mes promotions que par mon travail. J'aurais peut être pû gagner quelques années mais tant pis. Je n'ai jamais eu l'habitude de quémander.
   J'eus la chance dans cette dernière fonction de cotoyer des cadres du Crédit Agricole lequel venait de racheter le Crédit Lyonnais. L'un d'eux, qui m'avait apprécié dans plusieurs dossiers communs, à obtenu de sa direction que j'intègre leur banque d'affaire CALYON comme responsable des crédits d'une de leur branche gérant les grosses PME. C'est ainsi que pendant 6 ans j'ai terminé ma carrière comme hors classe. La boucle non sans mal était bouclée. Mon but était atteint. J'y laissais au passage un divorce.
 
  Mais revenons au début de l'année 1970 car malgré mon investissement dans mes études et le travail à la banque, j'eus une vie plutôt normale. Mes premiers revenus m'ont permis d'acquérir une voiture (2CV d'occasion, j'en eus deux autres par la suite dont une neuve) et par la même une certaine liberté de déplacement. Toujours les mêmes sorties du samedi soir en boite de nuit ("un samedi soir sur la terre" de Cabrel résume bien ces soirées) et le dimanche dans les fêtes de village ou dans les dancings de la région. La grande différence c'est que mon indépendance me permettait des relations plus suivies, ce que je ne pouvais pas auparavant dépendant de mon copain Gérard pour mes déplacements. J'eus donc un certain nombre de relations amoureuses, plus ou moins suivies et plus ou moins turbulentes. Je n'avais pas l'intention de m'établir sans avoir mon chez moi. Cela arriva assez rapidement puisque deux ou trois années plus tard je faisais l'acquisition à crédit d'un appartement neuf à Carpentras, sur la route de Serres. C'était la première fois de ma vie que je bénéficiais enfin du confort habituel avec salle de bain, chauffage central, téléphone etc...
   Par l'intermédiaire d'un copain rencontré au service militaire et qui habitait Tulette non loin de Beaumes de Venise, j'intégrais une bande d'amis et amies avec qui nous avions nombre d'activités diverses (balades, vélos et discussions à refaire le monde). C'est là que je rencontrais une charmante jeune fille, Denise Lhospied, qui deviendra ma femme officiellement le 2 aout 1975 et qui me donna très vite un enfant, Guillaume, né en octobre 1975.
   A part sa cascade en tricycle (il avait détalé la rampe d'accès de l'immeuble et s'était fracassé sur le mur d'en face mais fort heureusement sans gravité) ce qui nécessita l'intervention des pompiers et son saut, toujours en tricycle, du premier étage de la crèche (mais là ce n'était pas sa faute mais une erreur de conception de l'architecte), il ne m'a jamais causé de soucis au contraire que du bonheur. Il travaillait plutôt bien en classe. Bonne éducation et bon encadrement en école privée à Carpentras et à Avignon, bonne  école publique à Paris XVème mais beaucoup moins intéressante au niveau suivi ( j'ai dù un jour aller le chercher au poste de police parce que j'avais eu un quart d'heure de retard à cause du métro). Pour la suite des évènements, il se chargera lui même un jour de raconter mieux que moi son évolution. Suite à mon divorce en 1984 il y eu quelques années où il vécu avec sa mère jusqu'à ce qu'elle parte pour la Turquie et qu'il vienne vivre enfin avec moi.
Ma dernière 2CV . Neuve cette fois.
Mon mariage
Baptême à ND D'Aubune
A l'abbaye de Sénanque
En banquier costard cravate
Au bureau du Crédit Lyonnais d'Avignon
Guillaume à quelques mois